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C’est son avis « Contestation de la science : opposons la raison à l’émotion »

Pour Françoise Grossetête, députée européenne (LR, PPE), un nouvel obscurantisme émerge avec la défiance généralisée à l’égard de la science. Elle appelle à un sursaut du monde politique mais aussi des scientifiques pour lui opposer un langage de vérité.

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Un jeu dangereux

Produits phytosanitaires, santé publique, sécurité alimentaire… Le législateur, notamment européen, est de plus en plus amené à se prononcer sur des sujets nécessitant une vraie expertise scientifique. La prise de décision se complexifie. Face à cette tendance, je constate avec inquiétude, chez nos concitoyens et parmi les décideurs politiques, la montée grandissante d’une contestation de la science, au service de l’idéologie et des théories du complot qui se répandent à travers internet et sur les réseaux sociaux.

Les activistes anti-progrès ont ainsi entrepris de remettre constamment en cause les agences scientifiques chargées de la réglementation, dont l’Efsa (sécurité alimentaire) et l’Echa (produits chimiques). Ils le font d’une part en décrédibilisant les décisions qui ne vont pas dans leur sens, d’autre part en mobilisant systématiquement des « savants-militants » pour battre en brèche l’idée qu’il puisse exister un consensus scientifique sur une question donnée. Ce faisant, ils participent à l’installation d’une défiance généralisée de nos concitoyens à l’égard de la science, qui pèse sur le débat public.

Indépendance et experts

Un exemple emblématique est celui de la vaccination, si nécessaire en matière de santé publique, et pourtant si controversée, à tort. Il suffit souvent de peu pour instiller le doute dans l’inconscient collectif, l’accessibilité de l’information permettant à chacun de s’improviser un beau jour scientifique ou médecin. Autre exemple marquant, le glyphosate, dont je souhaite la sortie à moyen terme en raison de son impact environnemental avéré. Mais si le Centre international de recherche sur le cancer a classé la substance comme « cancérigène probable », il a été en partie contredit par l’agence européenne, mais aussi australienne, canadienne, américaine, suisse et japonaise. Difficile d’imaginer que toutes aient pu être « achetées » !

En France, le gouvernement a chargé le député Cédric Villani d’une mission sur « l’indépendance des agences européennes ». Une initiative propre à ramener un peu de sérénité dans les débats, si tant est qu’elle soit elle-même conduite de façon objective, et non politisée. L’Efsa, par exemple, est contrainte par son propre règlement. Elle doit se reposer notamment sur les experts qui lui sont envoyés par les États membres et ne peut recruter ses propres experts indépendants. Elle est souvent contrainte d’analyser les études existantes pour les synthétiser, au lieu de conduire ses propres analyses. Une situation qui alimente les soupçons sur l’influence des industriels dans le processus, mais dont l’Agence n’est pas responsable ! Si l’on veut mettre l’Efsa au-dessus de tout soupçon, c’est la législation qu’il faut changer.

L’ère des faits alternatifs

La constante fabrique du doute dans l’opinion constitue un danger majeur pour nos sociétés, entrées dans l’ère des « faits alternatifs ». La science, si elle n’est pas toujours exacte, devrait pourtant être largement incontestable.

Il revient certes aux politiques d’avoir le courage de dépasser les idéologies pour tenir un langage de vérité. Mais il est aussi de la responsabilité des scientifiques, des experts, des techniciens, qui sont avant tout des citoyens, d’aller déranger ce confortable entre soi dans lequel se déroule souvent la contestation de la science.

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